L’Economie sociale et solidaire peut et doit être un élément clé de la lutte contre la précarité et de la relance post-covid.

13-14

Notre échange avec Karel NEMECEK, animateur du MoDem Paris 13e, Matthieu BOURASSEAU, animateur du MoDem Paris 14e, et Chantal GODINOT, candidate MoDem aux élections municipales de 2020 dans le 14e arrondissement.

Comment définiriez-vous l’Economie sociale et solidaire (ESS) ? Est-elle active dans vos arrondissements ?

Karel NEMECEK : L’ESS regroupe toutes les formes d’activité dont la finalité sociale et l’utilité collective sont les priorités. Les structures qui la mettent en œuvre ont des formes diverses (coopératives, associations, mutuelles, fondations, …). Elles ont en commun un objectif d’utilité sociale ou environnementale.

Dans le 13e arrondissement, quand on parle de ce secteur, on pense tout d’abord à l’expérimentation « Territoire zéro chômeur de longue durée ». Cette expérimentation, initiée par l’association ATD-Quart Monde a reçu un cadre légal en février 2016 lors de l’adoption par le Parlement de la loi Grandguillaume.

L’idée consiste à réorienter l’argent qui sert à indemniser le chômage (RSA, Allocation de solidarité spécifique, contrats aidés) vers la création et la rémunération d’emplois dont bénéficient des chômeurs de longue durée. Ces derniers peuvent ainsi sortir de l’isolement social, se réinsérer dans la vie active et retrouver de l’employabilité en accédant à des CDI dans une EBE (Entreprise à but d’emploi).
La Région Ile-de-France a participé au « fonds d’expérimentation » et c’est d’ailleurs notre conseillère régionale MoDem parisienne Philippine Laniesse qui y a siégé en tant que représentante de la Région afin d’appuyer le projet.
Ce sont les quartiers « politique de la ville » Chevaleret-Oudiné et Bédier-Bouteroux qui ont été retenus. C’est dans ce cadre qu’a été créée l’EBE 13Avenir.

Depuis sa création en 2016, l’EBE a fait sortir du chômage 64 habitants de ces quartiers en leur proposant des CDI sur des postes imaginés en commun en fonction des savoir-faire et des appétences des volontaires qui ont rejoint le projet.
Les activités développées doivent répondre à des besoins non couverts par les entreprises du secteur concurrentiel du territoire. 13 Avenir organise ainsi un comptoir de services très diversifiés : petits dépannages (pose d’étagères, évier à déboucher, etc.), réception de colis, arrosage de plantes, portage de courses, aide informatique ou administrative, une conciergerie pour les seniors et pour des salariés d’entreprises (pressing, poste, boulangerie, librairie, paniers de fruits et légumes, etc.), une ressourcerie privilégiant le réemploi de bois et de textiles, un atelier vélo itinérant, un espace de coworking ouvert dans la cité du refuge (Armée du Salut) pour lutter contre la fracture numérique… et j’en oublie sûrement.
En tout cas, en l’espace de trois ans, cette structure a su s’imposer comme l’un des acteurs importants de la vie de l’arrondissement.
Ce succès de l’expérimentation dans notre arrondissement a sans nul doute contribué à l’adoption en novembre 2020 par notre majorité présidentielle d’une nouvelle loi prolongeant l’initiative et l’étendant à cinquante nouveaux territoires.

Matthieu BOURASSEAU : Dans le 14e arrondissement, l’ESS évoque d’abord l’expérience des Grands Voisins qui a été menée sur le site de l’ancien hôpital Saint-Vincent de Paul qui a fermé en 2011. Cette friche - où doit être bâti un écoquartier à l’horizon 2023 – est devenue dans l’intervalle, entre 2015 et 2020, un véritable village en plein cœur de l’arrondissement où 250 associations, startups, artisans et artistes ont pu déployer leur activité.
Tout a commencé en 2014, lorsque l’association Aurore, qui lutte contre l’exclusion sociale, a obtenu la gestion des lieux pour l’hébergement de sans-abris. Les associations Plateau Urbain et Yes We Camp lui ont ensuite apporté leur appui en organisant des événements et en mettant les locaux à disposition de structures associatives, coopératives ou artisanales.
Par exemple La Ruche aidait les porteurs de projets mus par l’entreprenariat social à démarrer leur activité, Biocycle collectait les invendus alimentaires afin de les redistribuer aux personnes dans le besoin… Le réemploi et la réutilisation étaient privilégiés : les installations étaient réalisées avec des matériaux récupérés sur des chantiers de la région. Il y avait aussi une recyclerie, des ateliers de réparation dédiés aux équipements sportifs, une brocante, etc.

Karel NEMECEK : C’est là que j’avais rencontré Les Alchimistes qui y avaient installé un composteur électromécanique, une machine qui accélère le processus naturel de compostage. J’avais pu comparer leur technique avec celle du compostage de quartier qui a été mise en œuvre depuis 2015 au square Héloïse et Abélard dans le 13e arrondissement où 200 foyers viennent apporter leurs biodéchets au pavillon de compostage géré par l’association Compos13.

Chantal GODINOT : Les Alchimistes compostent actuellement avec des machines sur 3 sites en Ile-de-France (dans les 18e et le 19e arrondissements ainsi que sur l’Ile-Saint-Denis). Ils s’adressent aujourd’hui essentiellement aux professionnels et aux commerçants. Mais la majorité des déchets sont produits par les particuliers. C’est pourquoi cette ESUS (entreprise solidaire d’utilité sociale) se tourne désormais vers les particuliers par le biais de l’installation de bornes d’apport volontaire. Elle a travaillé pour cela en partenariat avec le collectif « La République des Hypervoisins » qui fédère plus de 15 000 riverains sur 53 rues dans le quartier Alésia-Montsouris. (Ce collectif s’impliquait déjà dans la réduction des déchets puisqu’il expérimentait un « quartier zéro déchet »). Quatre bornes d’apport volontaire ont donc été installées en juin 2020 dans le 14e sur 4 anciennes places de stationnement (2 bis rue Saint-Yves, 2 rue Maurice Loewy, 95 rue de la Tombe-Issoire et 8 bis rue Sarrette). Elles sont disposées à proximité de jardinières.
Chaque riverain volontaire paie 1 euro par mois et reçoit le code du cadenas de la borne : ainsi la borne n’est pas accessible au tout-venant ce qui limite les risques de dépôts fantaisistes. Tous les déchets alimentaires sont susceptibles d’être déposés dans les bornes, y compris la viande et le poisson, contrairement au compostage de quartier et de pied d’immeuble qui ne recueillent que les déchets d’origine végétale. L’équipe des Alchimistes vient vider les bornes trois fois par semaine et achemine les déchets collectés vers leurs composteurs électromécaniques .

Karel NEMECEK : Cette technique des Alchimistes est complémentaire du compostage de quartier. La gestion des déchets est d’ailleurs un grand enjeu des années à venir (sachant que le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas).
Pour ce qui est des biodéchets, Compos13 qui depuis 2015 a détourné plus de 85 tonnes de déchets de l’incinération au pavillon du square Héloïse et Abélard va ouvrir 2 nouveaux pavillons de compostage dans le 13e arrondissement.
Le 13e arrondissement va d’ailleurs être l’arrondissement phare du compostage puisque les Alchimistes ont gagné l’appel d’offre de l’Urbanlab (Paris and co) et vont déployer dans le secteur Paris-Rive-Gauche 35 bornes de collecte du type de celles qui ont été installées dans le 14e.

Matthieu BOURASSEAU : Dans la reconstruction de notre modèle de consommation post-crise se pose la question de l’utilisation des monnaies locales complémentaires, encore peu développées. L’article 16 de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’ESS leur donne pourtant une base légale. Ces monnaies locales sont utilisées comme titres de paiement. Ces monnaies locales, comme « la Pêche » en région parisienne valent autant que l’euro (1 pêche = 1 euro par exemple). Les particuliers obtiennent auprès d’une association dédiée de la monnaie locale en échange d’euros, lesquels sont placés auprès d’une banque partenaire. Cette monnaie locale peut alors être utilisée chez les commerçants adhérents de l’association. Les commerçants doivent respecter une liste d’exigences définie par l’association en matière d’économie sociale et solidaire et de développement durable (par exemple circuits courts, conditions de travail des salariés etc.). Les commerçants peuvent alors réutiliser cette monnaie locale avec leurs fournisseurs. Les intérêts perçus par l’association des placements en euros des consommateurs sont ensuite utilisés pour divers projets de développement du territoire comme le développement durable ou encore des projets de micro-crédits pour des personnes en situation d’exclusion financière. On trouve des commerçants affiliés à « la Pêche » à Montreuil et dans les banlieues voisines, il y en a aussi quelques-uns à Paris.

Chantal GODINOT : La monnaie locale est certes peu développée en Ile-de-France, mais c’est un outil très utilisé dans certaines régions. « L’eusko » est la monnaie locale utilisée au Pays basque français, c’est la première monnaie locale d’Europe avec l’équivalent de plus d’1,4 millions d’euro en circulation.
La crise économique et sociale, conséquence de la crise sanitaire nécessitera de nombreuses actions solidaires, locales et écologiques. Les monnaies locales seront, à n’en pas douter, un outil précieux.

Quel rôle ce secteur peut-il jouer dans la lutte contre les conséquences de la crise sanitaire ?

Karel NEMECEK : L’aggravation de la précarité est une conséquence directe de la crise sanitaire. On le constate dans nos arrondissements et c’est une situation qu’on peut également lire dans les statistiques : le nombre des bénéficiaires du RSA a nettement progressé alors qu’il était relativement stable depuis 2017. A la fin de l’année 2020, plus de 2 millions de ménages percevaient le RSA, soit une augmentation de près de 9 % par rapport à l’année précédente.
Par définition, l’ESS peut et doit être un élément clé de la lutte contre la précarité, elle mérite donc toute notre attention et en particulier celle des élus qui doivent l’accompagner et jouer un rôle de « facilitateurs » - c’est un mot qu’employait fréquemment Marielle de Sarnez - des missions que ses acteurs se sont fixées.

Chantal GODINOT : On l’a vu au travers des exemples pris dans nos arrondissements : les actions en faveur de l’hébergement d’urgence, de l’aide au retour à l’emploi, de la collecte d’invendus, de la distribution d’aide alimentaire, du maintien du lien social, du développement durable et de la mobilisation des bonnes volontés sont aujourd’hui indispensables face à la crise que nous traversons.

Matthieu BOURASSEAU : Je voudrais insister aussi sur la situation des jeunes et notamment des étudiants qui vivent souvent une situation d’isolement, privés des jobs et divers « petits boulots » qui, pour certains arrondissaient les fins de mois, mais qui aussi pour beaucoup constituaient l’essentiel des ressources. Aujourd’hui, les étudiants sont en nombre grandissant dans les files d’attente lors des distributions d’aide alimentaire. « Ils ont besoin de notre mobilisation totale » : ce sont les propos tenus le 12 janvier dernier par notre députée MoDem Elodie Jacquier-Laforge à la tribune de l’Assemblée dans une question au gouvernement.

Karel NEMECEK : L’ESS a également un rôle important à tenir dans la relance « post-covid ». En effet, sur les 100 milliards d’euros annoncés de 2020 à 2022, la mission « plan de relance » prévoit de débloquer 22 milliards de crédits en 2021 autour de trois piliers : compétitivité, écologie et cohésion des territoires. Ces deux derniers piliers entrent dans la définition de l’ESS.

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